Boiterie & Endurance : tour d’horizon. Partie 1
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La sentence est tombée : votre cheval a été éliminé pour boiterie.
C’est un choc, et cela le sera toujours. Aucun cavalier d’endurance ne se fait à cette sentence, et c’est alors une grande introspection qui démarre dans l’esprit de celui-ci, une fois que la nouvelle est digérée.
“Mon cheval boite. Qu’est ce qui a merdé ? Comment on en est arrivé là ?”
A titre personnel, on a souvent eu cette remise en question : ça nous est arrivé plusieurs fois. Ce qui est “intéressant”, c’est que l’origine des boiteries a toujours été différente pour Cantad.
Autant de pistes à corriger et ajuster, à chaque fois. On apprend littéralement sur chaque course :
- quand on se fait éliminer, on apprend ce qui n’a pas fonctionné.
- quand on valide la distance, on apprend ce qui a fonctionné.
“Je ne perds jamais : soit je gagne, soit j’apprends”.
Nelson Mandela
Dans cet article, on ne banalise pas la boiterie. Une boiterie veut dire qu’on a mal fait. Mais il semble qu’en endurance, chaque cavalier peut y être confronté.
Une boiterie est un symptôme. Mais un symptôme de quoi ?
Est-elle liée à la santé intrinsèque du cheval, ou plutôt la conséquence d’un comportement de l’action du cavalier ?
C’est ça qu’il est intéressant de creuser, car de nombreuses boiteries sont potentiellement évitables.
Cet article se veut la continuité de l’article “Réussir son article : Les coups faciles”, pour mettre toutes les chances de son côté.
Cet article n’est malheureusement pas exhaustif sur les boiteries : Je ne suis pas vétérinaire.
J’y ai rassemblé, d’après quelques recherches, mon expérience personnelle, et les anecdotes/ retours d’expérience entendus autour de moi, des pistes à explorer : des plus “sérieuses” aux plus “insolites”.
Déjà, distinguons 2 types de boiteries, dont les causes sont différentes :
- les boiteries dites “basses”, qui vont concerner la partie inférieure du membre, et le pied.
- les boiteries dites “hautes”, qui vont concerner la partie supérieure du membre.
Lors de l’élimination, on n’y pense pas, mais on peut demander au vétérinaire de nous qualifier la boiterie : haute ou basse, ça peut donner des éléments de réponse.
Personnellement, dans ma façon d’aborder les boiteries, j’ai tendance à y voir leur “gravité” et leur durée. Une sorte de pragmatisme personnel :
- les boiteries « temporaires » qui disparaîtront le lendemain de la course,
- les boiteries qui dureront tant que l’objet/ l’équipement incriminé est utilisé,
- les boiteries “à vie”
Pour cet article, c’est plutôt les 2 premiers types de boiteries qui nous intéressent. On part du principe qu’un cheval qui va sur une course d’endurance est “sain” et qu’il n’est pas soumis à un problème de santé type boiterie « à vie ».
Voici les boiteries qu’on a vues, ou qu’on nous a rapportées.
Les boiteries “mauvais timing”
- trébucher juste avant le contrôle véto
Anecdote rapportée : le cheval qui trébuche juste avant le trotting (pas fait attention, un trou, un sursaut… bref, il trébuche). c’est une douleur qui est « sur le coup », mais disparaît au bout de X minutes.
Un peu comme nous : si on se cogne le petit doigt de pied dans la table basse, on est probablement boiteux pour les 2 minutes à venir, et on serait incapable de courir. Mais une fois le choc « absorbé » par l’organisme, c’est comme s’il ne s’était rien passé.
Toujours est-il que ce cheval et ce cavalier se font recaler en sortie de contrôle véto… mais le cheval re-trottera comme un charme juste après. Autant vous dire que le cavalier a eu les boules.
Là, on était sur le cas d’une boiterie basse.
Leçon(s) : ne pas se laisser déconcentrer soi, (et garder son cheval “concentré”) pour ne pas s’exposer à une chute “bête” car il n’a pas vu le trou, le caillou qui dépasse…
- La crampe
Anecdote non vécue, mais rapportée : cheval arrosé en abondance, dans une météo un peu fraîche. Lors du retrait de la couverture séchante sur les reins, le petit courant d’air a provoqué des spasmes musculaires… boiterie haute. hop, recalé.
Leçon(s) :
- Situation “rageante” mais le cavalier a appris à rationaliser l’arrosage, en fonction des conditions météo.
- attendre le “bon moment” pour enlever la séchante, et maintenir le cheval en mouvement
- le déclenchement des chaleurs
Un vrai défi pour les juments sensibles…
Anecdote non vécue, mais rapportée : la jument sensible qui déclenche ses chaleurs dès qu’elle voit un étalon. Elle se met alors à uriner hyper fréquemment… et… marche/trotte alors avec les postérieurs plus écartés. Paf : élimination.
Leçon(s) : repérer les étalons sur l’aire véto, et s’organiser au maximum pour pouvoir passer “tranquillement”. Pas toujours facile, on en convient.
Les boiteries “c’est oublié le lendemain, mais…”
- le cheval n’est pas assez entraîné
Ce n’est pas plaisant de l’admettre, mais on est parfois trop optimiste quant à la forme et l’entraînement de nos chevaux.
La boiterie était un signe de fatigue, car le cheval n’était tout simplement pas prêt pour l’effort qui lui était demandé.
Leçon(s) :
- gagner en lucidité
- ne pas sous estimer une course
- revoir son planning d’entraînement
A noter : ces boiteries liées à un cheval insuffisamment entraîné peuvent être très graves. Là, j’envisage le cas le plus bénin : “c’est oublié le lendemain”. Dans les formes les plus graves, un exercice trop exigeant par rapport à la forme physique du cheval peut aller jusqu’à la myosite… Autant vous dire que dans ce cas, la boiterie est reléguée au second plan, pour le cavalier concerné…
- le pilotage du cavalier, par rapport aux terrains et à la vitesse.
Le cheval n’est pas habitué à des sols aussi durs ou aussi mous… franchis à cette vitesse là.
On l’imagine sans peine : un cheval habitué à des chemins en herbe « sympas » peut donner une image de facilité sur des terrains durs, mais son organisme se fatiguera vite… créant alors une boiterie.
Idem pour un cheval non habitué aux terrains en sable mou, ça va peut-être lui demander plus d’effort qu’il ne paraît de galoper là dedans.
Car, entre du sable « porteur » et du sable « non porteur », on peut se faire avoir dans l’excitation de la course…
Un sol trop dur, a tendance à accentuer les douleurs musculaires et articulaires. Un sol trop mou a tendance à accentuer les désordres tendineux et ligamentaires.
Leçon(s) à apprendre :
en amont de la course :
- habituer son cheval aux terrains potentiellement rencontrés en course.
- Sélectionner ses courses avec soin : sols adaptés aux sensibilités du cheval
- Apprendre à reconnaître les sols “porteurs” des sols “à risque”.
pendant la course :
- Diminuer sa vitesse sur les 1ères boucles : la jouer cool lors de la 1ère boucle “découverte/ 1er franchissement”. Se faire une carte mentale des terrains, pour ensuite optimiser le franchissement sur les boucles suivantes.
Ces boiteries, qui disparaissent le lendemain, sont des éléments à garder en tête dans la gestion des sols et des allures. C’est “pas grave” pour ce coup ci, car le corps n’a pas “tapé dans le dur”. Mais attention sur du plus long terme.
La boiterie « ça durera tant que… »
- … la ferrure n’est pas adaptée
Anecdote vécue : Cantad déferre 1 semaine avant la course et s’arrache une partie de la corne. Impossible de replanter des clous : la corne est fragilisée. Si on plante des clous, ce sera moins solide, et si Cantad déferre de nouveau, le risque est trop grand de vraiment tout arracher et lui abîmer vraiment fortement le pied.
Pour autant, je ne peux pas le laisser pied nu (terrains beaucoup trop abrasifs et caillouteux).
Mon maréchal me propose de tester les fers collés : ça nous paraît une solution acceptable. Et hop, Cantad a donc des fers collés aux antérieurs.
Je fais une petite sortie, j’ai l’impression que ça va bien, alors je décide de partir sur ma course malgré tout.
Bilan : Cantad ne supporte pas cette solution vraiment différente, et on se fait éliminer au bout de … 20 km.
boiterie qui nous laisse perplexe : elle change selon les moments. Des fois, antérieur gauche, des fois, postérieur droit.
Il apparaîtra que la boiterie Postérieur est une boiterie de compensation. C’est bien à l’antérieur qu’est le problème, à cause de la ferrure.
Leçon(s) : On ne change rien avant une course. Et si on est obligés de changer, il est plus sage de renoncer à une course plutôt que d’y aller et se faire éliminer. (ici, c’est un exemple sur la ferrure, mais ça marche pour tout)
Pour la fin de l’histoire : une fois les fers collés enlevés, la boiterie de Cantad a disparu.
La solution a été de le ferrer “comme avant”, mais en protégeant ses pieds grâce une sorte de plâtre/ résine qui s’appelle “Equicast” dans laquelle on a pu venir brocher les clous.
- … le pied n’est pas correctement entretenu / les aplombs ne sont pas corrigés
On ne le dira jamais assez “ pas de pied, pas de cheval”. Alors pour une bonne locomotion, il faut être suivi par un bon professionnel du pied. On rappelle qu’on n’est ni pro fer, ni pro pied nu : on est pro “ce qui convient au cheval”.
On a eu une anecdote intéressante lors d’un stage de perfectionnement en endurance : le formateur (un chouette cavalier, genre vraiment, il a gagné Florac il y a quelques années) nous parlait du “défaut de main” des maréchaux ou pareurs.
A force de parer dans un sens “préférentiel” certains professionnels pouvaient modifier les aplombs du cheval, bien malgré eux, au fur et à mesure des ferrures/ parages…
Pour rigoler, le formateur nous avait dit que les meilleurs maréchaux/ pareurs étaient les “gauchers ambidextres”, puisqu’ils étaient à l’aise pour manipuler leur râpe dans tous les sens. (pas de sens préférentiel pour le parage). C’était une note d’humour, hein, on insiste ^^
Un droitier peut majoritairement parer dans un sens “de droite à gauche” par exemple, sans s’en rendre compte, par facilité, et peu voire pas du tout, dans le sens de gauche à droite. Ca a l’air anodin, mais ça peut faire “glisser” les aplombs d’un cheval, en 3 ferrures…
Leçon : bien choisir son professionnel, et lui poser des questions/ assister à la ferrure : ils sont généralement ravis d’échanger, d’expliquer leurs gestes, leurs choix…
Quand je vois les membres de l’équipe de France, et la ferrure qu’ils ont pour leurs chevaux, rien n’est laissé au hasard. Ils ajustent en permanence les ferrures.
Ok, c’est pour 160 km en vitesse libre. Mais ça en dit long sur la difficulté de trouver “chaussure à son pied”.
- … la selle n’est pas adaptée
On est sur un cas particulier de dorsalgie. C’est logique : la selle n’est pas adaptée, elle crée des surpressions.
Ca peut pardonner sur de petites distances ou séances, car la douleur est supportable. Mais sur des épreuves plus longues, la douleur provoque une boiterie.
Leçon(s) :
-s’assurer que sa selle va bien à son cheval (avoir des connaissances, ou consulter un saddle fitter).
– vérifier régulièrement. En début et en fin de saison, on n’a pas le même cheval au niveau musculature.
- … l’origine de la douleur n’est pas trouvée
Parce que parfois, ce n’est pas forcément la selle qui est à incriminer, mais bien un mal “général” de dos, ou d’une autre partie de son corps. pour le cheval,
Anecdote entendue :
La jument avait un problème aux ovaires. Je ne sais plus le nom exact, qui m’a échappé. Mais il s’agissait d’une gêne, assez forte pour avoir un impact, et en même temps supportable pour que ça passe (presque) inaperçu.
La jument modifiait légèrement sa locomotion, et ça impactait son postérieur droit. Résultat, on pouvait voir un « quelque chose »…
Leçon : Comme pour les athlètes humaines féminines, les juments sont impactées par les cycles menstruels, et dans les cas les plus compliqués, comme pour les humaines, il faut parfois mettre en place des traitements contraceptifs pour diminuer / encadrer l’apparition des menstruations, pour améliorer le bien-être global de la jument… tout en collant un peu mieux au calendrier de compétition.
OU alors, autre solution : on renonce à la compétition dès lors que les chaleurs sont déclenchées… là, on laisse chacun gérer.
NB : En tant que fille, à titre personnel, ça me parle. J’ai déjà enchaîné des plaquettes de pilules pour éviter de les avoir (et me sentir mal, donc) durant un déplacement pro, une compétition…
- … le cavalier ne fait pas sa part du boulot
Le cavalier est parti prenante dans une performance d’endurance. C’est logique, mais on a tendance à l’oublier quand on cherche un diagnostique de boiterie.
Si le cheval est “sain”, et qu’il n’a pas de problèmes de conflits épineux, scoliose, ou autres “joyeusetés” anatomiques, le cavalier doit en effet se poser des questions sur … lui.
Est-ce que lui est symétrique ?
Est-ce qu’il accompagne suffisamment son cheval ?
Est-ce que la fatigue lui fait prendre une position de confort, nuisible à la bonne locomotion de son cheval ?
ou même…
Est-ce qu’il a pensé à changer de diagonal, quand il a trotté enlevé sur la course ?
Leçon : se poser plein de questions, pour débusquer la cause d’une douleur. Et ça peut passer par se poser des questions sur… soi
- …l’équipement est mal positionné
Anecdote : Oui, le faux pli à la base du genou, sur un pantalon, ça crée une grosse cloque. On se repositionne, on essaie de faire en sorte que sa jambe frotte différemment. Résultat, on est déséquilibré, et paf la boiterie.
Oui, c’est con.
Là, on a pris un exemple sur le textile cavalier, mais ça marche aussi pour le cheval : un tapis mal positionné, la ceinture cardio qui a fait un faux pli… tout autant de petits détails qui peuvent avoir de gros impacts.
Leçon(s) :
- tout tester en amont, être attentif aux poils abrasés, poils blancs, signe de douleurs, réactions du cheval
- mettre son matériel soi-même (je ne fais pas confiance à mes assistants, aussi géniaux soient-ils, pour seller ^^)
- …les blessures musculaires, tendineuses ou ligamentaires ne sont pas guéries
Ces boiteries sont le cauchemar de tout cavalier.
Les membres d’un cheval sont constitués de nombreux tendons et ligaments importants, localisés sur les faces avant et arrière du membre. Ils sont essentiels pour la locomotion du cheval, mais relativement à découvert sur les membres car peu protégés par d’autres tissus.
La tendinite est l’inflammation du tendon ; la desmite, l’inflammation du ligament. Elles sont souvent liées à l’activité physique du cheval, et qui sont des inflammations,et/ ou rupture partielle ou totale des tendons.
Certains chevaux sont plus sensibles aux sols mous, par exemple, et donc plus sujet aux tendinites que d’autres.
Ces traumatismes peuvent aussi survenir suite à des blessures sur les membres.
Ca reboucle avec le début de l’article : la tendinite est par exemple la conséquence d’une course trop demandeuse pour un cheval.
Tant que la tendinite n’est pas guérie, la boiterie sera présente. Le rétablissement peut être très long, doit être très progressif.
Leçon(s) à retenir :
- préparer au mieux son cheval et éviter d’en demander “trop”
- si un cheval a déjà eu une tendinite, être d’autant plus attentif au franchissement de terrains
- avoir une petite routine “soins des membres” après de grosses sessions ou une course.
A noter : on a eu de beaux exemples autour de nous, de chevaux qui se sont complètement remis de tendinites, et ont pu courir à nouveau sur des 100 km et plus. Leur rétablissement a par contre été long, et progressif… De mémoire, il a fallu entre 1 an à 1,5 an entre l’arrêt pour tendinite et le retour en courses.
La boiterie « C’est con mais c’est comme ça »
- l’accident au pré
Ces boiteries sont à mettre dans la catégorie “choc divers” : traumatismes, coups, sols irréguliers, chute…
Anecdote vécue : Cantad est un spécialiste pour montrer sa joie de vivre au pré avec les copains. Surtout au fur et à mesure que sa forme augmente, en période d’entraînement…
Quelques jours avant une course d’endurance, je constate qu’il boîte dans son pré. La vétérinaire appelée n’arrive pas à prononcer un diagnostic formel sur l’origine de la boiterie… car Cantad est plaqué à l’époque : impossible de faire les tests avec la pince. Cantad présente un pouls digité et a le pied chaud. c’est assez maigre comme information, mais l’hypothèse de l’abcès est lancée.
Il faudra attendre que le maréchal vienne pour sonder : ce n’est pas un abcès, mais… un hématome. Cantad s’est tapé l’antérieur avec son postérieur, tout seul, comme un grand, en faisant le filou dans son pré.
Le choc a créé un hématome, et cet hématome vient comprimer les chairs du pied, provoquant la boiterie. Il n’y a rien à faire à part… attendre que l’hématome se résorbe.
Leçon apprise : mettre des cloches au pré à Cantad, un peu avant une course “au cas où”.
- déferrage pendant la course / perdre une chaussure
on peut déferrer en course pour plein de raisons. Reste à comprendre ce qui s’est passé et pourquoi. Et remettre toutes les chances de son côté pour le coup d’après :
Leçons : – protéger son cheval s’il se touche,
– coller les chaussures
La boiterie “on n’y peut rien”
- l’arthrose
L’arthrose est une maladie articulaire dégénérative : l’articulation se dégrade. L’arthrose peut être le résultat de l’usure « normale » d’une articulation liée à l’âge mais peut également être liée à l’usure précoce de l’articulation liée à un travail trop intensif.
Il n’est pas possible de guérir son cheval de l’arthrose mais on peut le soulager.
leçon(s) :
- rester à l’écoute de son cheval, pour le préserver au maximum de cette boiterie
- savoir arrêter sa carrière sportive quand les signes se manifestent.
A suivre : la partie 2 de l’article !